samedi 17 décembre 2011

Sale mouchard

Hier, j'ai déjeuné avec ma maman.
Nous avons commencé par nous tremper comme des soupes sous les hallebardes qui dégringolaient en rafales.
Une fois à l'abri, bien au chaud à l'étage d'un café confortable - gemütlich* dirait-on en allemand, mais il n'existe pas de traduction française pour ça - nous avons commencé à deviser de tas de choses passionnantes, en dégustant un pavé de saumon à l'estragon servi avec des tagliatelles.
Il est entendu que ma maman n'est pas très geek et moi non plus. On tripote l'informatique maladroitement, certes, mais sans comparaison avec le haut de gamme tel que Nicolas Jegou, par exemple.
Voilà pourtant qu'elle se met à m'expliquer d'un air inquiet que les smartphones permettent de pister leur propriétaire, quoiqu'on fasse. La saleté d'appareil serait équipée d'un système qui, à l'insu de son propriétaire, permettrait non seulement de le suivre à la trace, mais d'accéder à ses photos, ses SMS, ses turpitudes, tout!


J'étais un peu vaseuse hier, me relevant à peine d'une journée de boulot en mode grippe intestinale. Sur le coup, j'ai trouvé ça étrange que Big Brother nous ait mis la main dessus aussi facilement. Et puis, j'en aurais quand même entendu parler. Si un mouchard pareil venait mettre sans dessus dessous les secrets des smartphones, la moitié de mes amis au bas mot aurait déjà divorcé (je plaisante).
J'ai enregistré tout ça, sans questionner plus avant. Mon équipement personnel étant suffisamment préhistorique pour me garantir une opacité de bon aloi. C'est ça l'essentiel après tout. Que les amateurs de smartphones coûteux que je n'ai pas les moyens de me payer aillent donc se faire moucharder ailleurs.
De toute façon,  hier je n'étais pas d'humeur à soumettre ma maman à la question sur les détails techniques de Big Brother, dans notre café gemütlich*. On a enchaîné sur autre chose.

Aujourd'hui, je suis guérie et reposée. Diverses choses agréables s'annoncent ce week end, le soleil brille. Je me suis donc attelée aux vérifications de ce que ma maman m'a dit hier, in dem gemütlichen Cafe.**
Et ce que j'ai trouvé n'est guère rassurant, même si le mouchardage en grandes largeurs n'était pas encore de mise.  Quand on possède ce genre d'engin, il faut adopter la prudence de la belette.


Il existe en gros  trois passoires traîtres:

LA GÉOLOCALISATION (TRAÎTRISE N°1)
D'abord, on peut se faire pister si on active l'application GPS associée à internet ou d'autres gadgets du genre, sans le désactiver après usage. Et même quand on le désactive, on ne sait jamais qui va rester pendu à vos basques: toutes les nuits en douce, Apple, Google et Microsoft récupèrent la liste des réseaux Wi-Fi rencontrées durant la journée, gentiment transmises par les smartphones et Iphones. On se demande bien à quoi ça leur sert.

LA NAVIGATION INTERNET (TRAÎTRISE N°2)
Les opérateurs mobiles et les fournisseurs d'accès à internet disposent de l'historique complet des connexions internet de leurs abonnés. Ce sont des gens verreux vertueux, donc ils ne gardent rien. Admettons.... Mais tout est archivé dans la mémoire des téléphones et de petits logiciels vendus sur internet permettent de tout transférer sur un ordinateur. Prudence, donc.

LES APPLICATIONS (TRAÎTRISE N°3)
Ces machins-la sont sympas. Ils fournissent plein d'infos toutes jolies: critiques gastronomiques, soldes, places de ciné à prix cassés... sauf qu'en même temps, lesdites applications accèdent à vos données personnelles via les logiciels dont c'est le boulot et là, tout y passe. Ensuite, les développeurs sans scrupules  les récupèrent et le vendent à des régies publicitaires. Quant aux usagers, on ne les avertit de rien. C'est illégal, oui, et alors?

LES IMPRUDENCES (PAS TROP TRAÎTRES)
Il vaut mieux éviter de jeter ses données personnelles à la face du monde. Il y a des évidences, comme verrouiller son appareils et ne pas le laisser traîner sur la table du café du commerce (même gemütlich). Moins évident:  dans un web-café, votre appareil se connecte automatiquement à un réseau wifi non sécurisé, vous exposez donc aimablement toutes vos données, personnelles ou professionnelles, stockées sur ce terminal. N’importe quelle personne connectée à ce même réseau peut y accéder sans grandes difficultés. Eh oui! Il suffisait d'y penser.
Et puis tant qu'à faire, ne tentons pas le diable: les voleurs à la tire sont partout. Exhiber sont beau smartphone dernier cri au nez et à la barbe d'inconnus dans le métro, c'est imprudent. Surtout s'il est allumé, pas verrouillé, s'il est équipé d'un code PIN ridicule, style 0000 ou votre date de naissance et si on n'a pas pris soin de noter quelque part le code IMEI qui permet de le bloquer à distance.

Ces systèmes nous rendent la vie plus facile, plus conviviale et plus scintillante. C'est vrai. Mais ils ont une face sombre comme le charbon. Certains, les Hommes libres, s'en passent complètement et échappent à l'oeil de Caën. Seulement alors liberté rime avec retraite au désert. Tout le monde n'a pas le cran d'un stylite.

Les autres, les enchaînés, rappelez-vous: prudence de belette et vigilance de marmotte.




* Alors quoi? Qu'est-ce que c'est que ce mot barbare?
Il évoque simplement une ambiance qui procure la plénitude, la détente du corps et de l'esprit, la paix des âmes. Ça peut être un café qui sent bon, où les gens parlent doucement, où il fait chaud et où on a envie de passer des heures à lire un bouquin, pendant que dehors, il gèle férocement. Ou une pièce douillette où brûle un feu de bois, pendant qu'on se vautre en chaussettes sur son canapé, un chat sur le ventre et un verre de quelque chose à portée de main.
Pas si barbare en fin de compte.

** "Dans le café douillet", décliné au datif singulier, vu qu'on y était sans se déplacer d'un point à un autre. Auquel cas, il aurait fallu utiliser l'accusatif.

3 commentaires:

  1. Chez moi aussi il faut que ce soit "heimlich"...
    enfin, autrefois chez moi, près de la frontière allemande.
    Ici, en Drôme provençale, c'est pas le mot qui s'impose en général ...lol !

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  2. Heimlich en Provence, c'est vrai que ça sonne un chouia exotique. Mais qu'à cela ne tienne! Je suis bien contente de voir que mes commentaires germano-geek n'ont pas rasé tout le monde. Merci Solveig!

    Tu viens donc, toi aussi, des brumes nordiques?

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  3. C'est marrant, suivant la rive brumeuse du Rhin sur laquelle tu habites, heimlich est soit gemütlich, soit secret, inquiétant, un tantinet dangereux. Mais devant un plat de noël recouvert d'une nappe brodée de bougies et de branches de sapin où paradent Christstollen, Zimtsterne ou Rosinenkuchen, une tasse de café mit Schlagsahne, tout devient limpide pour tout le monde.

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